Mon ami T. me racontait comment, dans la société informatique où il est ingénieur, lui et ses collègues techniciens sont encadrés par de très nombreux “product managers” et autres “project owners”, dont le métier réel est difficile à cerner pour leurs subordonnés directs. Organiser des réunions, lancer des groupes de travail sur tel ou tel sujet, “coordonner” le travail des autres, c’est-à-dire envoyer des mails… Hormis leur diplôme d’école de commerce, leur plus-value dans l’organisation du travail de l’entreprise est difficile à saisir. On pourrait dire, comme le fait l’anthropologue David Graeber dans son article “sur le phénomène des jobs à la con” qu’il s’agit là de “bullshit job”, des métiers dont même ceux qui l’exercent ne parviennent pas à lui donner un sens.Mais ce serait faire l’impasse sur l’objectif premier et essentiel d’une organisation du travail en monde capitaliste : faire remonter le plus de profit possible aux actionnaires. Si on laissait mon ami T. et ses collègues s’organiser eux-mêmes, sans la masse de managers, de contrôleurs, de responsables RH, etc., on ferait, certes, de belles économies de masse salariale et on dégraderait la situation financière de toute une génération de jeunes diplômés d’école de commerce. Mais surtout, on donnerait à T. et ses collègues la possibilité de bien faire leur travail : entretenir de bonnes relations avec les entreprises clientes de leur service informatique ; respecter la durée hebdomadaire de travail ; collaborer entre collègues ; facturer au juste prix, voire proposer des missions à bas coût pour des associations… L’être humain peut être vraiment terrible quand il s’agit de ne pas chercher uniquement à produire du fric !
Or, rappelons que dans une entreprise capitaliste, l’objectif n’est pas simplement de faire tourner la boutique, mais de générer un surplus toujours plus important pour les actionnaires. C’est pourquoi un état-major est déployé pour faire en sorte que le travail soit optimisé vers la remontée de profit, et rien d’autre. Et ce, même si durant ces dernières années, on a vu émerger tout un secteur fait de consultants en “bien-être”, en “qualité de vie au travail” et en psychologie positive chargés d’aller chercher la source de profit encore plus profondément dans la psyché des individus, le tout mâtiné de bons sentiments.
-_-
Il y a tout un tas de composantes de l’état et des services publics et de l’état qui fonctionnent aussi comme ça, recrutement et promotion par les supérieurs. C’est plutôt le contraire qui est l’exception, par exemple les postes élus démocratiquement, c’est une claire minorité des postes.
Qu’est ce que je ne comprends pas dans ton message ?
L’état est pas le meilleur exemple d’une autre façon de marcher (je pensais surtout aux assoces, coops et compagnie) mais il n’en reste pas moins qu’au sommet de l’état les chefs sont le résultat d’un vote démocratique. Ça changerait déjà beaucoup les choses si les PDG étaient élus.