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La véritable histoire du #monopoly

Accumuler patiemment des maisons, acquérir des hôtels, puis, d’un coup de dés fatal, perdre la totalité de ses biens au profit d’un autre joueur : c’est la dure leçon infligée à de nombreux courtiers amateurs lors d’un Monopoly. Ce jeu incontournable des tables familiales a été vendu à des millions d’exemplaires à travers le monde et s’est vu décliné en centaines de versions différentes, selon les thèmes, les pays ou les villes.

La belle histoire narrant l’invention du jeu a été pendant longtemps glissée dans la boîte. Cette fiche explicative faisait l’éloge d’un seul nom : celui de Charles Darrow. Chômeur pendant la Grande Dépression, en 1929, ce natif de Philadelphie a inventé le jeu en cherchant à sortir de la précarité. Un jour, dans le sous-sol de sa maison, il commence à dessiner des cases inspirées des lieux et des commerces de son quartier. Il convainc la société des Parker Brothers de lui acheter le jeu en 1934 et devient millionnaire : les ingrédients pour concocter une sucess-story à l’américaine sont ainsi réunis.

Cette histoire aurait été belle si elle avait été réelle. La vérité est révélée au grand jour cinquante ans après, dans les années 1970, lorsque l’éditeur du jeu intente un procès contre un universitaire américain pour avoir créé un “anti-Monopoly”, l’accusant de plagiat. Tel est pris qui croyait prendre : les audiences exhument le nom d’Elizabeth Magie et révèlent son rôle indéniable dans la création du jeu. Pour plonger dans son histoire, il faut remonter au début du XXe siècle.
Une femme engagée

Née en 1866 dans l’Illinois (États-Unis), sténographe mais également poète, Elisabeth Magie est une adepte des théories de l’économiste Henry George : elle milite pour la création d’un impôt unique qui capterait la rente foncière pour que les fruits de l’usage du sol bénéficient à tous. Engagée, Elizabeth Magie donne des cours politiques après ses heures de travail. Alors que les jeux de société commencent à être considérés comme des outils de communication, elle s’attelle à créer le sien : un moyen pour elle de sensibiliser aux dangers du #capitalisme.

“Dans son jeu, il y a de l’argent fictif, des titres de propriétés pouvant être achetés et vendus. Une banque pour emprunter des fonds, des impôts à payer, des cases prison, parc public et maison des pauvres”, énumère Mary Pilon, dans un article du Guardian. Cette dernière a consacré un livre à Elizabeth Magie, publié en 2015. Sur ce premier plateau de jeu figure même une image du héros politique d’Elizabeth Magie : Henry George. Elle crée ainsi un jeu de société à l’image de ses idées politiques. […]

Le jeu pensé par cette sténographe permettait au joueur du Landlord’s Game de choisir entre deux ensembles de règles différents : des règles “antimonopolistiques” ou des règles “monopolistiques”. Avec les premières, tous les joueurs étaient récompensés lorsque de la richesse était produite – ce qui correspond à la taxe unique, bénéficiant à tous, selon les théories d’Henry George. Dans le second groupe de règles, qui a prévalu jusqu’à nos jours, l’objectif était de créer des monopoles et d’appauvrir ses adversaires. “La plupart des gens qui jouent au Monopoly aujourd’hui ne réalisent pas que ce jeu provient des théories d’Henry George sur l’impôt unique. Mais d’une certaine manière, il montre les méfaits des monopoles, ce qui était l’objectif de Magie depuis le début”, se réjouit auprès du Temps Mary Pilon.
Payée 500 dollars

En 1903, “Lizzie”, comme elle est souvent surnommée, s’adresse au Bureau des brevets des États-Unis afin de protéger ses droits sur son “jeu des propriétaires”. Elle commercialise une version moins de deux ans plus tard : le jeu se passe désormais de mains en mains et devient populaire parmi les intellectuels de gauche. “Il séduit aussi une communauté de Quakers d’Atlantic City, qui l’ont personnalisé avec les noms de leurs quartiers locaux, et de là, il a trouvé son chemin jusqu’à Charles Darrow”, raconte Mary Pilon. Ce dernier joue une partie chez ses voisins, et s’en inspire fortement pour créer sa version.

Lorsque le jeu décolle dans les années 1930, la société qui édite le jeu de Charles Darrow achète les droits des jeux concurrents. Elizabeth Magie, heureuse qu’une grande société participe à diffuser sa création, ignore les dessous de la manœuvre. Elle est payée 500 dollars, tandis que Charles Darrow touchera une redevance toute sa vie. “Parker Brothers, qui fait aujourd’hui partie de la société Hasbro, a raconté l’histoire de Charles Darrow pendant des décennies et ne reconnaît toujours pas Elizabeth Magie comme la véritable inventrice du jeu”, rappelle Mary Pilon.

Source de l’article

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  • Manapany
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    7 days ago

    Oh j’aimerai bien savoir si il existe une version du Monopoly fidèle à ce que le jeu aurait du être de base antimonopolistique.

    • contrefeu@akko.contref.euOP
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      7 days ago

      @Manapany Le jeu d’Elizabeth Magie était différent, je sais pas si on peut adapter les règles au monopoly. Par contre j’ai trouver une version du monopoly inventée dans les années 70 dans laquelle le but est de casser les monopole/oligarchies. Et ce qui est marrant c’est que l’inventeur a été poursuivi par ceux qui avaient les droits du monopoly et les a fait plier en utilisant le fait qu’Elizabeth Magie avait inventé le jeu bien avant.
      https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Anti-Monopoly

    • Sphks@lemmy.dbzer0.com
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      7 days ago

      J’imagine que ces règles sont conçues pour rendre l’économie du jeu très stable. Ça doit donner un jeu d’une durée infinie sans vainqueur. Intéressant mais pas très excitant.

      Un entre-deux serait la Junta. Dans ce jeu, il y a un président-dictateur. Il nomme son premier ministre et ses chefs d’armées. Le reste est le peuple. Il reçoit de l’argent à distribuer de manière non équitable. Forcément, le peuple trinque. Jusqu’à une révolution du peuple, appuyée par les armées. C’est plutôt stable : les pauvres sans pouvoir restent pauvres sans pouvoir. Le président et le ministre s’en mettent plein les fouilles. Jusqu’aux révolutions qui pimentent le jeu.