La loi adoptée le 14 novembre se fait fort d’augmenter le taux d’emploi. Y compris dans son volet « handicap » qui ne fait pas consensus parmi les associations et les syndicats.
Léa Petit Scalogna, lecture Mise à jour le 22.11.23 à 18:21
Pour réduire le taux de chômage à 5 % d’ici à 2027, la loi plein-emploi adoptée par le Parlement le 14 novembre se fixe un objectif : mettre tout le monde au travail. Y compris les personnes en situation de handicap. Pour ce faire, ce texte chamboule tout le service public de l’emploi en créant un grand organisme, France Travail, qui avale Pôle emploi et chapeaute aussi les missions locales (emploi des jeunes) et Cap emploi, dédié aux travailleurs handicapés.
Ce chamboulement indique la nouvelle stratégie : le choix de l’orientation professionnelle des personnes en situation de handicap, en milieu ordinaire ou protégé, se fera « sur la base d’une préconisation de France Travail », largement favorable à l’aiguillage en milieu ordinaire.
La reconnaissance du statut de travailleur handicapé va être élargie, ainsi que les droits individuels ou collectifs des travailleurs en Esat, qui ne dépendent toujours pas du Code du travail. Ces mesures, en partie fustigées par les associations spécialisées, auraient presque pu passer inaperçues, noyées par les bouleversements inédits du RSA et de feu Pôle emploi.
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Une décision saluée par le président de l’Agefiph (Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées), Christophe Roth, qui estime les MDPH « surchargées de dossiers avec des délais de traitement importants ».
Mais elle ne fait pas l’unanimité parmi les fédérations. L’Unapei, réseau d’associations dédiées au handicap, demande à ce que l’avis de France Travail soit indicatif et que les acteurs concernés assurent la gouvernance de l’opérateur. « France Travail n’a pas la capacité et l’expertise pour prendre en charge le handicap », explique son administrateur en charge de l’emploi, Patrick Maincent.
La ministre déléguée chargée des personnes handicapées, Fadila Khattabi, riposte : « Ce sont aussi des experts en matière d’accompagnement vers l’emploi des personnes en situation de handicap » et indique également que « ce sera la MDPH qui notifiera et aura le dernier mot (sur France Travail) ». France Travail disposera ainsi de données sur la santé des travailleurs. La question du secret médical se pose, selon Denis Gravouil, responsable emploi-chômage à la CGT.
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Seront nouvellement considérés comme « travailleurs handicapés » : les titulaires d’une pension d’invalidité, d’une rente d’incapacité. Un élargissement du statut qui étend le « marché » des demandeurs d’emploi en situation de handicap. Et laisse la possibilité aux employeurs « de sélectionner les profils de personnes les moins lourdement handicapées pour remplir le quota » de 6 %, selon Denis Gravouil, responsable emploi-chômage à la CGT.
C’est en cela que le syndicat qualifie cette mesure d’« aubaine pour les entreprises privées » et montre « le côté utilitariste du projet de loi ». Fadila Khattabi estime au contraire qu’il est question de « faciliter l’accès au droit des personnes et ainsi de mettre fin au non-recours aux prestations ».
Le Comité des droits des personnes handicapées (CDPH) des Nations unies est catégorique. Il faudrait « éliminer progressivement et rapidement les emplois ségrégués, notamment les ateliers protégés (formulation qui fait référence aux Esat – établissements et services d’aide par le travail – NDLR) », dans un rapport rendu en 2021. Marie-Charlotte Garin, députée EELV, pose une question écrite à ce sujet en mars 2023, et réclame de « mettre en œuvre dès à présent le processus de désinstitutionnalisation ».
Le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies est catégorique. Il faudrait « éliminer progressivement et rapidement les emplois ségrégués, notamment les ateliers protégés (formulation qui fait référence aux Esat) », dans un rapport rendu en 2021. Marie-Charlotte Garin, députée EELV, pose une question écrite à ce sujet en mars 2023, et réclame de « mettre en oeuvre dès à présent le processus de désinstitutionnalisation ». Proposition qui n’a pas été retenue par la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
« Je ne serai pas la ministre qui fermera ces établissements », annonce Fadila Khattabi. À cela, elle préfère élargir les droits individuels (de grève, de se syndiquer) et collectifs (la prise en charge des frais de transport domicile-travail, le bénéfice d’une complémentaire santé, de titres-restaurants et de chèques-vacances) des travailleurs en Esat. « Leurs droits seront alignés sur ceux des autres salariés », se félicite-t-elle. Ce que Thibault Petit, journaliste et auteur d’un livre-enquête Handicap à vendre, conteste largement : « Ce sont toujours des usagers et non des salariés, soumis au Code de l’action sociale et des familles, et non au Code du travail. » Avec tous les droits perdus que cela implique : les cotisations sociales pour le chômage et la retraite, un salaire minimal…
Les associations spécialisées se réjouissent malgré tout de ces nouveaux droits, même s’ils vont peser dans leur budget et le modèle économique des Esat. Thibault Petit réplique : « Ça ne devrait pas être leur priorité numéro un, ces travailleurs charbonnent et sont payés rien du tout. »
J’étais sur qu’on allait y venir et que ça va lentement se diriger vers l’AAH sous condition…J’espère pas. En tout cas mon dossier de la MDPH laissait entendre cette évolution.