Il a fallu quatorze ans au studio allemand Slow Bros. pour créer ce jeu, dont le contenu est entièrement réalisé à la main. Sorti le 16 avril, “Harold Halibut” est salué comme un projet fou et une oeuvre originale, mais peine à convaincre les critiques spécialisés au-delà de sa direction artistique.

Parmi les multiples fonctions figurant au générique d’un jeu vidéo, on ne s’attend pas à trouver un fabricant de marionnettes. Pourtant, c’est bien l’un des talents d’Ole Tillmann, au sein du studio allemand Slow Bros., également directeur artistique de Harold Halibut, sorti le 16 avril sur PC et consoles. Le créateur du jeu, pour sa part, est réalisateur de formation, précise The New York Times. “Il y a quatorze ans, à peine sorti de l’école de cinéma, Onat Hekimoglu a eu l’idée d’un jeu sur un pauvre homme à tout faire qui se retrouve coincé dans une ville sous-marine sur une planète alien depuis que ses ancêtres ont fui un cataclysme sur Terre.”

Mais il ne disposait d’aucune compétence informatique pour mener à bien ce projet, sur lequel il travaille depuis lors. “Ses amis et lui ont donc décidé de contourner les compétences qu’ils ne possédaient pas (codage, modélisation 3D) au profit de celles qu’ils possédaient (menuiserie, sculpture, éclairage, conception de costumes).”

Doux rêveur

L’originalité du résultat saute aux yeux. “Les concepteurs du jeu ont fabriqué pratiquement tout ce que le joueur voit à l’écran à l’échelle d’un dixième, entre autres les personnages en argile et d’adorables minicostumes cousus avec de vrais tissus.” Même les décors sont créés physiquement, poursuit le quotidien. “Ils ont construit plusieurs murs avec de vraies briques minuscules scellées avec du vrai mortier. Pour vieillir les décors, ils les laissaient sous la pluie ou leur faisaient prendre la poussière pendant des semaines ou accéléraient la rouille grâce à un spray spécial.”

De quoi s’émerveiller devant le Fedora, ce vaisseau écrasé au fond d’un océan d’une autre planète depuis un demi-siècle, salue PC Gamer. Quant à Harold, le protagoniste éponyme, c’est “un rêveur et un optimiste - le gamin qui regarde par la fenêtre au fond de la classe, toujours prêt à aider les autres citoyens du vaisseau avec leurs problèmes techniques comme émotionnels, une âme franche et honnête à qui les gens se confient naturellement.”

Trois éléments viennent bouleverser sa vie, résume Kotaku : d’abord un message provenant de la Terre indique aux passagers du Fedora que l’apocalypse nucléaire à laquelle ils pensaient échapper n’a pas eu lieu. “Deuxièmement, Harold découvre un alien dans le système de filtration d’eau. Enfin, le Fedora va bientôt se retrouver à court d’énergie et le temps qu’il leur reste à survivre est donc compté.” Néanmoins le scénario peine à trouver son rythme, déplore le critique du site spécialisé américain, en dépit de la situation de crise.

“Les gens passent leur temps à demander à Harold de faire des choses pour eux, ce qui oblige le joueur à aller et venir dans les mêmes lieux ad nauseam.” Des problèmes de mécanismes de jeu

Ces déceptions sur le scénario et sa lenteur reviennent sous la plume de plusieurs critiques. Kotaku insiste aussi sur le fait qu’en matière d’interactivité et de mécanismes de jeu, il n’y a pas assez à se mettre sous la dent. “On aimait l’idée de choses qui ne marchent pas, de choses qui ratent et peut-être de ne pas atteindre ses objectifs”, indique Onat Hekimoglu auprès du New York Times.

Mais Eurogamer n’est pas convaincu pour autant, estimant notamment que l’écriture des dialogues n’est pas à la hauteur de cette ambition. “On vous fait perdre tellement de temps qu’on a l’impression que c’est intentionnel, que c’est le moyen de vous mettre à la place misérable de Harold et de transmettre une partie de sa crise existentielle au joueur. Mais, même si c’est délibéré, ça ne fonctionne pas.”

Tout ça pour ça, donc ? La conclusion de Kotaku n’est pas si sévère. “Dans cette industrie qui prend de moins en moins de risques, le virage pris par Slow Bros. représente un grand bol d’air frais. J’espère que ce jeu encouragera les développeurs à repousser les limites visuelles et artistiques à l’avenir. Même si Harold Halibut n’est pas pour moi, je respecte sa vision.”