Début octobre 2023, après un match de foot de l’équipe féminine du club Chambéry sport 73 durant lequel certaines joueuses portaient le hijab, l’extrême droite s’est déchaînée sur les réseaux sociaux, appelant à la suppression des subventions du club.
Tout part d’une situation banale : dans un club amateur qui ne comportait pas d’équipe féminine, une « bande de copines », comme les décrit le président du club, prennent l’initiative de monter une équipe de football. Elle souhaite naturellement jouer contre d’autres équipes. Certaines portent le hijab, mais ne s’en inquiètent pas, ayant vu que la FIFA en autorisait le port lors des matchs. Tout se passe bien, l’équipe perd d’un honorable 19-0. Tout aurait du en rester là.
Mais quelques jours plus tard, Rémi Garnier, petit fasciste professionnel élu au conseil régional sous l’étiquette Rassemblement national, publie un communiqué s’indignant de la possibilité que des femmes s’habillent librement. Qualifiant ce match de « symbole de l’entrisme islamiste dans le sport », et prétendant défendre la « dignité des femmes », ce petit nazillon de bac à sable étale les obsessions islamophobes du RN et les passions tristes de l’extrême droite dans son communiqué, provoquant une vague de cyberharcèlement du club et des joueuses.
L’attaque s’appuie sur le règlement de la Fédération française de football (FFF), qui interdit le port de « tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale », une règle dont l’application cible en réalité en large majorité les femmes musulmanes. Et une particularité française, qu’il faut relier à la flambée des idées islamophobes ces dernières décennies, et à l’histoire coloniale du pays. Embarquée dans une fièvre islamophobe, la FFF s’illustre ces dernières années sur le sujet : elle a récemment décider d’interdire le port de collants et de casques, sous le prétexte de craindre un « détournement » par des pratiquantes de l’islam [1]. La fédération préconise aussi d’interdire les pause visant à boire et à manger lorsque la rupture du jeune du ramadan survient pendant un match [2].
À Paris, le collectifs Les Hidjabeuses s’est créé en 2020 pour revendiquer le droit des sportives de s’habiller comme elles le souhaite. Elles ont notamment saisi le Conseil d’État au sujet du règlement de la FFF concernant sont règlement sur les signes ostentatoires. Mais celui ci à rejeté leur requête, en allant ainsi à l’encontre des préconisations de son propre rapporteur public, qui préconisé l’abrogation de cette règle [3].
Retour à Chambéry, où les fulminations islamophobes de la FFF pourraient avoir des conséquences funestes. Dans son communiqué, le RN appel en effet à la suppression des subventions du club par le conseil régional, présidé par le très droitier Laurent Wauquiez, prompt à supprimer des financements à tout va. Une menace qui place le club dans une situation périlleuse, ses 220 licencié·es comptant sur cet argent pour permettre au club de fonctionner. Il s’agirait d’une véritable punition collective sous un prétexte profondément raciste. Depuis cette affaire, l’équipe féminine s’est quant à elle retiré des compétitions, préférant continuer de s’entraîner en s’habillant comme elles le souhaitent, quitte à sacrifier leur participation au championnat. Un exemple de plus de l’effet concret des politiques islamophobes qui prétendent défendre les droits de femme : les exclure des espace publics.
Edmond Rösti
[1] « Football : pourquoi la FFF interdit le port des collants et des casques au nom de la laïcité », Le Parisien, 30 avril 2024 [2] « FFF : pourquoi le ramadan est-il tabou dans le football français ? », Radio France, 22 mars 2024 [3] « Interdiction du voile dans les compétitions de football : le Conseil d’Etat juge la réglementation de la FFF « adaptée et proportionnée » », Le Monde, 29 juin 2023