Maintenant que j’y suis, je me rends compte de mon erreur. C’était stupide de croire qu’un traducteur électronique suffirait pour se débrouiller en pays étranger. Surtout avec le changement d’alphabet : dans les rues, dans les magasins, toutes les informations utiles m’échappent. Je ne peux même pas deviner les directions indiquées sur les panneaux.
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J’attends devant sa porte jaune. La logeuse devrait me laisser deux semaines pour la somme que je lui paye, mais on ne se comprend pas. Le boîtier traduit « cinq jours de pension. » Elle essaie peut-être de m’arnaquer. Je dois avoir une tête de candidat.
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Une fois en possession de la petite clé qui ferme le cadenas de la chambre, vissé sur le panneau au-dessus de la poignée, j’y dépose ma valise emballée et je ne perds pas plus de temps. Le quartier des Monts de pierre est seulement à quelques stations de métro.
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Les couloirs très propres sentent les fleurs sucrées. Sur les cartes affichées, seuls les chiffres des lignes de transport ne sont pas en caractères inconnus. J’ai un plan dans la poche, imprimé avant de quitter l’Europe. Avec mes annotations je me débrouille pour trouver mon chemin. Je suis l’itinéraire 21 sous des LED pâles mais aromatisées.
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Rue du Jubilé.
L’immeuble ne ressemble pas à ce que j’imaginais. Vu d’en bas c’est une façade aveugle, miroitante et aveugle. Aucun point de rupture. Je longe sa base. Tous les segments vitrés, opaques, sont identiques.
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Et je me rends compte que je ne suis pas seul à errer sur les plaques de ciment blanc qui s’étalent autour de l’adresse. Sur le trottoir d’en face, il y a un homme. Qui vagabonde.
Il porte le costume de cadre des quartiers d’affaires, mais son apparence ne me trompe pas. Je sais reconnaître les yeux qui se perdent dans les rez-de-chaussée de ville, pareils aux miens.
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Comme je suis un étranger, et que toutes les caméras sont entraînées ici, je décide de rentrer. Deux vagabonds dans la même rue c’est deux suspects de trop. Moi j’en ai vu assez pour aujourd’hui. Je ne sais pas ce que l’autre cherche, mais il faut que je dorme. Pour rattraper le décalage. Et pour recevoir les prochains signes.

Toi qui lis ce récit, que je gratte entre les cabines téléphoniques couvertes d’annonces et les lavomatics mal chauffés, tu connaîtras que j’ai fui pour accomplir les visions qui se manifestent à moi lorsque je dors, la nuit.