Timothé regardait la pile d’objets en polymer gros comme des boîtes d’œufs, qui s’amoncelait dans son salon depuis qu’il avait emmenagé.
À l’autre bout du fil, une voix monocorde, exaspérante de calme, lui dictait la marche à suivre :
— Votre Box est personnelle et incessible monsieur.
— Ça fait beaucoup de Box quand même, vous ne pouvez pas me débarrasser des anciennes ?
— Nous allons d’abord terminer votre diagnostic monsieur si vous le voulez bien, j’aurai besoin de connaître la date de naissance de votre ancêtre le plus éloigné dont le lieu de naissance se situe en France ou dans un pays de l’Union Européenne hors traité Luxembourg.
Un tableau affiché sur le mur contenait les informations administratives couramment demandées par les services à distance. Timothé fit quelques pas pour s’en approcher.
— Attendez je regarde.
L’agent du centre d’appel lui, observait l’horloge de la salle, par-dessus son écran. Une belle horloge ronde, au design épuré, avec une grande aiguille fine qui tournait sans à-coups. Dans cinq minutes ce serait la fin du créneau. Fin de la journée.
Une réponse arriva sur la ligne : « 14 avril 1857. »
Le téléconseiller pivota dans son fauteuil. Derrière son petit bureau on pouvait voir les toits à l’horizon, à travers l’unique fenêtre de cet emplacement qu’il occupait par pure chance cette semaine. Dans son micro sans-fil, il confirma le verdict :
— Oui c’est bien ce que je disais, il vous faut la Box 8.
Timothé commença à perdre patience :
— Comment voulez-vous que je me fasse livrer cette nouvelle Box puisque je n’ai plus accès à aucune option de livraison ?
— Avec la Box 8 vous bénéficierez de TOUS les services, y compris l’assurance maladie et le suivi postal monsieur…
— Mais je viens de vous expliquer que ma Box 7 ne fonctionne plus !
— Monsieur, pas la peine de vous énerver, vérifiez simplement que vous avez bien renseigné votre code d’authentification fiscale…
— Je-ne-peux-pas !
— Dans ce cas monsieur vous devez vous connecter sur le site France Services en fournissant un justifica…
Une tonalité compressée résonna dans le casque. Timothé venait de raccrocher.
Plutôt que d’enclencher sa dernière prise d’appel réglementaire, l’agent inspira profondément, face à la fenêtre. Demain il serait dans un autre compartiment du plateau, devant un mur. Il rêvait de prendre la grande décision. De tout arrêter dès la semaine prochaine. Ne plus se lever le matin pour répéter des scripts de discussion. Ne plus voir la tête de ses voisin·es de cube, ni celle du manager hargneux à chemise colorée.

Mais pour avoir accès à la Box 9, il lui faudrait renouveler son contrat de travail.