À 16 heures, ce mercredi 02 août, la moitié des clients installés sur les terrasses du Vieux-Port a enfilé le maillot de l’OM et sirote un verre en attendant le match du soir. Les serveurs, eux, profitent d’un répit pour commencer à nettoyer et sortir leurs poubelles. En bas de la rue de la République, […]
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Soumis à l’obligation de gérer leurs déchets, les commerçants à Marseille ne suivent pas toujours les règles qui leur sont imposées, notamment sur le recyclage des cartons. Les contrôles de la métropole, qui régit la collecte, restent poussifs.
À 16 heures, ce mercredi 02 août, la moitié des clients installés sur les terrasses du Vieux-Port a enfilé le maillot de l’OM et sirote un verre en attendant le match du soir. Les serveurs, eux, profitent d’un répit pour commencer à nettoyer et sortir leurs poubelles. En bas de la rue de la République, les bacs d’ordures ménagères débordent. Entre les sacs, on trouve un carton de boîte de steaks et un autre de frites. Leur provenance ne fait aucun doute au vu des restaurants situés à la ronde. Bien qu’ils soient recyclables, ces déchets finiront incinérés à Fos-sur-Mer.
Cet été encore, le trop-plein de déchets agace de nombreux Marseillais, jusque dans le 12e arrondissement. Si les citoyens blâment souvent la qualité du service de ramassage, aux effectifs réduits par les arrêts maladie et les congés, ou l’afflux touristique, les élus pointent aussi la responsabilité des commerçants, comme lors du dernier conseil métropolitain de juin. “C’est un véritable point noir, je dirais même une forme de violence au quotidien sur notre espace public (…) L’impact que cela a sur la ville est assez colossal”, a fustigé Christine Juste, conseillère métropolitaine déléguée à la propreté (EELV).
Redevance spéciale ou collecte privée
En théorie, les professionnels sont pourtant soumis à des règles plus exigeantes que les ménages, dès lors qu’ils dépassent certains seuils. À partir de 490 litres de déchets assimilés aux ordures ménagères par semaine, ils ne peuvent plus utiliser les mêmes bacs que les particuliers. C’est le cas des snacks et de nombreuses activités, dont la métropole considère par défaut que leur production est importante.
Ces professionnels doivent également payer une redevance “spéciale” en plus de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, selon des forfaits correspondant au volume collecté. Ceux-ci varient entre 677 euros par an environ et près de 29 000 euros. Quant aux déchets recyclables, ils sont soumis à une obligation de traitement par un prestataire privé à partir de 1100 litres par semaine.
Le commerçant peut toutefois faire le choix de ne pas faire appel du tout à la métropole et de choisir une entreprise privée. Pour les lieux qui concentrent quasi uniquement des entreprises, comme les zones d’activités, ce recours est même obligatoire. L’exclusion du cours Estienne d’Orves des secteurs assurés par le service public avait essuyé le mécontentement des restaurateurs l’été dernier.
À la Mercerie, restaurant situé aux portes de Noailles, la redevance spéciale est bien payée, au trimestre. Les gérants disposent d’un bac personnel fourni par la métropole pour leurs ordures ménagères, jettent le verre et les canettes dans les points d’apport volontaire métropolitains. Ils ont un contrat avec Suez pour la collecte de leurs cartons et les Alchimistes Provence, une société née à la Belle-de-Mai, récupère leurs déchets alimentaires et compostables. Afin de réduire leur volume, ils utilisent leurs matières premières au maximum : les carcasses d’animaux pour les bouillons et les plantes pour les infusions. D’autres restaurateurs au Cours Julien et à la Plaine se sont rassemblés pour diviser les coûts et payent les services de la butte circulaire, une société de collecte des déchets recyclables.
Du côté de la place Castellane, c’est une autre ambiance. La gérante d’une cantine-restaurant n’est pas au courant de l’obligation de payer la redevance spéciale. “Je vous avoue que je ne lis pas les courriers de la métropole, quand il y a trois pages pour une info ridicule“, concède-t-elle. Pourtant, ses volumes de déchets ménagers dépassent les 490 litres par semaine. Comme ses confrères aux alentours, elle jette ses cartons dans les bacs enterrés des particuliers. “Le commerce d’en face s’est même approprié un bac roulant qu’il met devant chez lui. Il est là depuis 50 ans, je ne vais rien dire“, soupire la patronne.
Les cartons dans la ligne de mire
Bien évidemment, les poubelles débordantes ne sont pas le fait des seuls commerçants. Souvent, des matelas, des fours et des meubles qui n’ont rien à faire là, entourent les bacs. Mais les élus de tous bords le soulignent : les restaurateurs et les primeurs de légumes sont les plus gros producteurs, notamment de cartons et de verre. Roland Mouren, vice-président de la métropole à la valorisation des déchets, le reconnaît : “On collecte deux fois plus au centre-ville de Marseille que dans les quartiers résidentiels“. Lors du conseil métropolitain, il a aussi évoqué le chiffre de “70 000 tonnes de cartons qui se retrouvent dans les ordures ménagères chaque année“.
Pour pallier ce problème, la redevance spéciale doit inciter à faire le tri. Sur présentation d’un contrat avec un prestataire privé, le professionnel descendra automatiquement au tarif inférieur. Mais les résultats ne sont pas là. “À ce jour, trop de déchets valorisables issus de l’activité économique sont présentés à la collecte. Si le tri est bien réalisé en excluant notamment les déchets alimentaires et les cartons, c’est plus de 40 % des déchets en moins qui se retrouveront dans les bacs réservés aux ordures ménagères“, regrette la métropole dans une réponse écrite.
Aussi, les prix des forfaits sont élevés dans le but d’inciter les commerçants à avoir recours au privé. Mais en l’absence de sanctions, il sera toujours plus rentable pour les commerces de ne souscrire aucun contrat, ni avec la métropole, ni avec le privé.
Absence de contrôle
Au conseil métropolitain, la question des contrôles a été relevée par l’adjointe à la mairie de Marseille, Christine Juste. “Les moyens des services sont insuffisants pour recenser les commerçants indélicats, les accompagner pour s’inscrire dans une démarche plus vertueuse, contrôler celles et ceux qui sont assujettis à la redevance. Il y a trop de trous dans la raquette et notre ville en pâtit“, a-t-elle déclaré. Elle souhaiterait user d’un moyen de pression pour obliger les patrons. “Je proposerai d’interdire les terrasses extérieures qui dépendent d’une autorisation d’occupation temporaire (AOT). Car dans le contrat de l’AOT, il y a l’obligation de traiter les déchets“, appuie-t-elle.
“Seul le recours au pouvoir de police du maire pourrait permettre une action dissuasive et rapide afin d’améliorer les pratiques”, pose la métropole dans sa réponse. Autrement dit la police municipale. Une manière d’écarter l’idée d’un renforcement de la police de la propreté. Créée en 2009, elle a vu ses effectifs varier selon les époques, de quelques agents à quelques dizaines. Aujourd’hui, Roland Mouren ne veut pas aller trop vite pour sanctionner. “Je ne compte pas les réunions que je fais avec les commerçants. Les services expliquent les obligations et les échéances qui se profilent, ça ne leur fait pas plaisir. La redevance sera mise en place sur tout le territoire d’ici à la fin de l’année et on commencera à faire des contrôles après. On n’est pas à six mois ou à un an près“, pose-t-il.
Les contrôles devraient alors commencer en 2024 pour que les commerçants jettent les cartons au bon endroit et payent leurs déchets. À la même date, dans tout le pays, la loi imposera aux particuliers comme aux entreprises le tri des déchets alimentaires. Comme une politique des déchets à deux vitesses.