La réélection de Trump et le salut nazi de Musk, son bras droit, laissent peu de place au doute sur l’idéologie politique à la tête des États-Unis. Si le fascisme a comme point d’orgue la présidentielle américaine, il se construit à l’internationale avec l’appui des principaux partis d’extrême droite en France, en Italie, en Hongrie, en Angleterre ou encore son appui au régime Israélien.

L’internationale fasciste s’organise entre des grands patrons et des personnalités politiques telles Elon Musk via des rencontres régulières. Ce dernier multiplie les rencontres avec les chefs de file des différents partis de droite en Europe en témoignant d’abord son soutien à l’AfD, profitant de son réseau social X pour organiser un débat public. Musk ne limite pas son soutien au versant légal mais également à ses branches plus directement violentes : récemment il a exigé la libération de Tommy Robinson, un militant fasciste à l’origine des émeutes raciales de l’été 2024 en Angleterre.

Cette vague ne s’arrête pas à Trump et Musk. Des entreprises françaises ont également financé la campagne américaine, comme Sanofi, Airbus ou EDF. Par ailleurs, le 8 février, un congrès à Madrid réunissait l’extrême ­droite européenne sur le mot ­d’ordre « Make Europe Great Again ».

Les ingérences de Musk dans la politique des autres pays trouvent leur logique dans le projet de fonder une internationale des extrêmes droites, fidèle à la vocation hégémonique du fascisme. La volonté de créer une conjonction des extrêmes droites était déjà présente durant l’entre-deux guerres. La transmission et la reprise de symboles étaient en effet déjà à l’œuvre.

Si cette internationale fasciste ne s’est jamais structurée politiquement, il y a eu des influences et des emprunts entre ses différents courants avec en jeu la création d’un imaginaire commun. Celui-ci domine aujourd’hui sur les réseaux sociaux et dans les principaux médias. Il est repris et amplifié sur la scène politique à droite comme à gauche.

L’oligarchie des vieux hommes blancs

L’imaginaire construit par le fascisme s’inspire du libertarianisme. Musk en est peut-être la figure la plus connue, mais d’autres entrepreneurs de start-ups participent de cette tendance. ­L’idée est de gouverner l’État comme une entreprise et de mettre fin à la démocratie. Le libertarianisme est une pensée d’extrême droite parfaitement soluble dans le suprémacisme blanc. Ce courant, créé par ­Murray ­Rothbard, place au centre la propriété privée et présente déjà bien des accointances avec des régimes autoritaires. Son auteur a largement contribué à un rapprochement avec la droite conservatrice. Pour lui, la société libre se fonde sur le droit de discriminer.

On retrouve cette logique à l’œuvre autour de la liberté d’expression, régulièrement invoquée à droite pour émettre des opinions racistes. En plus du libertarianisme, le suprémacisme blanc est le noyau dur des mouvements réactionnaires, notamment par le biais de la ­thèse du « grand remplacement » [1]. Cette idée revient régulièrement lors des attentats de terroristes d’extrême droite à travers le ­globe. Elle permet de jouer sur l’immigration en remettant au goût du jour une idée déjà présente dans le fascisme de l’entre-deux-guerres : la purification du corps social.

Tout en propageant cette idée, les extrême droites actuelles camouflent leur racisme. Cette stratégie n’est pas nouvelle mais simplement adaptée au contexte actuel. Elle ne vise pas seulement à camoufler le fond idéologique du discours mais à le faire passer dans l’ensemble de la société. Par ailleurs, il est commun aux mouvements fascistes de récupérer des éléments qui ne sont pas à proprement parler issus de la droite et même de puiser allègrement dans le répertoire de la gauche réformiste ou révolution­naire. C’est une normalisation des idées qui fonctionne au point que les discours, les symboles et les actes historiques du fascisme sont mis en scène sans rencontrer de condamnation.

L’échec de l’antifascisme libéral

Les réseaux sociaux sont un accélérateur qui permet d’atteindre rapidement une globalisation des idées. Cependant, trop souvent l’analyse de la montée du fascisme se centre sur la critique des réseaux sociaux ou du complotisme à travers les fakes news. Une telle analyse ne fait pas grand mal, elle ne met pas en cause la responsabilité politique des organisations et elle peut être reprise à bon compte pour des initiatives libérales.

Si la stratégie de propagande de Musk peut s’appuyer sur la sidération, c’est qu’il sait que les institutions bourgeoises sont déjà plus ou moins acquises au fascisme. Bien avant d’être un promoteur fasciste, Musk était un parfait héros du libéralisme qui l’a depuis longtemps présenté comme un génie fantasque. Cette image sert de défense à toutes ses actions, alimentée par un fond de psycophobie, au point de trouver toutes les raisons à un salut nazi pourtant évident.

Les institutions bourgeoises sont incapables de reconnaître le fascisme, ou en n’en faisant qu’une dénonciation morale. Aller plus loin serait déjà reconnaître son fricotage avec le fascisme. L’antifascisme promu par la démocratie libérale n’a pas réellement de consistance et repose sur la collaboration de classes. Il ne peut pas proposer d’actions autres que symboliques pour freiner son émergence : le fameux barrage républicain ou l’appel à des valeurs morales tout en renvoyant l’antifacsisme à un mouvement violent.

Ce qui a fait la force du mouvement antifasciste, c’est sa capacité à créer du lien à travers une communauté en plus d’avoir une forte dimension d’autodéfense, que celle-ci soit physique par la lutte contre les milices, ou matérielle par des actions de solidarité et d’entraide. Au niveau européen, les actions de Trump et Musk sont vues comme une concurrence économique déloyale rapidement camouflée derrière un combat pour la justice. La résurgence de régimes fascistes à l’échelle internationale ne peut être combattue avec un antifascisme de posture.

Victor (UCL Montpellier)