Depuis le soulèvement du 13 mai 2024 en Kanaky, la répression a durement touché les militant·es kanak, certain·es ayant été déporté·es pour être incarcéré·es en métropole, à 17 000 kilomètres de leur pays. La solidarité s’organise pour soutenir ces prisonnier·es politiques et combattre le colonialisme français.

Le soulèvement insurrectionnel du 13 mai 2024 en Kanaky résulte de la colonisation française. La pauvreté y est endémique, le racisme systémique et la vie y est excessivement chère, les prix étant en moyenne 31% plus élevés qu’en métropole et 78% pour les denrées alimentaire [1]. Face à cette précarité, au référendum illégitime de 2022 [2] et à la loi sur le dégel du corps électoral (voir encadré), les Kanak – particulièrement les jeunes – se sont révolté·es contre l’impérialisme français.

La répression a fait officiellement treize morts depuis mai et de nombreux Kanak ont été déporté·es en métropole. Les ­militant·es kanak dénombrent pour l’instant soixante-sept prisonnier·es transféré·es en France dont sept membres de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT). Son porte-parole Christian Tein (ou « Bichou » pour ses camarades et ami·es) est accusé d’avoir organisé l’insurrection de mai. Il a été déporté dans la prison de Lutterbach, près de Mulhouse, après s’être rendu à la gendarmerie le 19 juin pour apaiser la répression contre les jeunes. En août, toujours incarcéré, il est désigné président du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS).

L’éloignement des prisonnier·es, souvent père ou mère de famille, vise à faire pression sur elles et eux. Les déporté·es sont détenu·es dans des centres de rétentions dispersés dans toute la métropole, compliquant les mobilisations tout en gardant un flou sur leur localisation pour leurs familles. Cela engendre également des frais pour les familles qui doivent débourser chaque mois plusieurs centaines d’euros de frais carcéraux (téléphone, repas, tabac, etc.) par prisonnier·e. Selon des articles récents, la prison de Lutterbach où est détenu Bichou maintient ses occupant·es dans des conditions de vie atroces [3].

Suite au 13 mai, un mouvement de solidarité avec les Kanak s’organise en France. Rapidement, les luttes anticoloniales, notamment celles en appui au peuple palestinien, s’impliquent dans les mouvements de solidarité pour la Kanaky. Dès la première semaine, des rassemblements ont lieu et des collectifs composés de Kanak sont alors organisés partout en métropole, demandant la libération des prisonniers politiques, l’abandon du dégel du corps électoral et, plus généralement, une reconnaissance des enjeux culturels et politiques liés à la Kanaky.

Lors des premiers appels à manifester en France, des Kanak de Strasbourg et de Mulhouse se sont rendu·es devant le centre pénitencier de Lutterbach pour réclamer le retour au pays de Christian Tein. Lors de ce rassemblement, ces personnes se sont donné rendez-vous pour réfléchir à des actions à mener dans leur ville. C’est ainsi que les collectifs Solidarité pour la Kanaky 67 et 68 (SPK67 et SPK68) ont vu le jour.

Le 2 novembre, ces collectifs, avec l’aide de plusieurs organisations dont l’UCL, ont organisé une soirée de soutien. L’occasion d’en apprendre davantage sur les cultures kanak, qui tendent à être effacées par le colonialisme français. Des militant·es ont exposé la situation en Kanaky et les conditions d’emprisonnement de Christian Tein. Luc Tournabien – auteur de 40 ans d’émancipation… pour mieux recoloniser ? et militant de l’Union calédonienne [4] – était invité pour répondre à des questions sur la situation politique du pays.

Quelques jours avant cet évènement, on apprenait que la Cour de cassation avait annulé la détention en métropole de Christian Tein et d’un autre militant, Steve Unë ; ils restent néanmoins incarcérés dans l’attente du réexamen de leur dossier, et des dizaines d’autres Kanak restent détenus à des milliers de kilomètres de leur pays.

Après des mois de tensions en Kanaky, une grande mobilisation en France et une insta­bilité politique, le Premier mi­nistre Michel Barnier a déclaré : « Le projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral adopté en mai dernier par les assemblées parlementaires ne sera pas soumis au Congrès ». Une victoire bien trop faible, car le projet est seulement suspendu. Sentant que les élections provinciales prévues pour le 15 décembre seraient en défaveur du gouvernement français, Barnier les a reportées à fin 2025 au plus tard. La suspension de la loi sur le dégel du corps électoral, arrachée par la mobilisation de la jeunesse kanak, ne suffit pas : il faut son abrogation, et la libération de tou·te·s les prisonnier·es kanak.

UCL Alsace

[1] Chiffres de 2022 de l’Institut de la statistique et des études économiques Nouvelle-Calédonie. [2] « Kanaky : les colons veulent rester colons, quel scoop ! », Alternative libertaire no 323, 23 janvier 2022. [3] « Un an après son ouverture, le centre pénitentiaire de Mulhouse Lutterbach est déjà suroccupé et dysfonctionnel », Rue89 Strasbourg, 27 octobre 2022. [4] L’Union calédonienne est une organisation en Kanaky qui a contribué activement à la création du FLNKS.