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Lutte contre l’A69 : Artificialisation, répression et intérêts capitalistes

L’inutilité de l’A69, projet autoroutier reliant Toulouse et Castres, et ses conséquences environnementales désastreuses mobilisent massivement. Mais les entreprises capitalistes et les institutions publiques s’unissent pour réprimer la contestation de manière extrêmement violente et dangereuse. Pourtant, le projet qui dilapide nos impôts ne satisfait que les intérêts des capitalistes, au détriment de la santé, de la préservation des territoires et de la population locale.

Le projet d’autoroute A69 consiste à construire une voie plus rapide en parallèle de la nationale allant de Toulouse à Castres et de sa ligne ferroviaire, soit 50 kilomètres. Élaboré il y a 32 ans, lorsque l’urgence environnementale était moins présente, l’A69 faisait partie des grands projets de désenclavement des territoires par l’artificialisation et l’appropriation des terres, dans une quête d’urbanisation du rural. Il fallait permettre aux habitant et habitantes des villages tarnais d’accéder rapidement aux villes. Le projet est remis sur la table depuis quelques années suite aux demandes de l’entreprise pharmaceutique Fabre (située à Castes), de la région (Carole Delga, PS), du concessionnaires qui mène les travaux, NGE, et du maître d’ouvrage et propriétaire des terres, ATOSCA. Après l’expropriation des paysan·es et des habitant·es présent·es sur le tracé, les travaux débutent en mars 2023.

En opposition à ce projet, s’organisent plusieurs collectifs locaux type NIMBY (Not in my backyard), des organisations écologistes toulousaines. Par exemple, La Voie est libre, qui défend la mise en place d’une piste cyclable, s’occupe de la médiatisation du sujet des recours institutionnels. La mobilisation rassemble largement : on y retrouve le groupe national de surveillance des arbres (GNSA), des naturalistes qui développent la pratique des « écureuils » (militant·es habitant·es les arbres pour les protéger de leurs corps). Enfin, des ZAD (Zones à défendre) fleurissent sur le tracé, occupant des terres plus ou moins éloignées du chantier, lieux d’organisation, de vie et d’action particulièrement effrayants pour le concessionnaire.

Les revendications sont claires : réalisation d’une expertise indépendante sur les données socio-économiques du projet tenant compte de la nouvelle donne environnementale, tenue d’un référendum permettant à la population locale de s’exprimer sur le projet. Les modalités de ce référendum seraient discutées avec les collectifs dès l’acceptation de son principe, la suspension des travaux et à terme l’abandon du projet.

Réprimer à tout prix

Avec de nombreuses personnes blessées, plus de 150 poursuivies, et des peines d’enfermement exagérées (6 mois ferme pour un jet de caillou), la répression contre les militant·es écologistes de la lutte contre l’A69 est extrêmement violente. Les forces de l’ordre ont usé de pratiques violentes contre les zadistes : harcèlement de nuit, incendie et saccage d’affaires personnelles, départ de feu aux pieds des arbres occupés…

La rhétorique de criminalisation des mouvements pour la Terre, remise au goût du jour par Darmanin, se ressent dans les techniques policières employées comme dans les partis pris de la justice, et notamment des juges du tribunal de Castres, qui ont perdu toute neutralité dans l’affaire. Ainsi, début septembre, la ZAD Cal’Arbre est violemment évacuée. Les pelleteuses déracinent les arbres, désormais sans attendre la descente de leurs habitant·es.

La Cellule nationale d’appui à la mobilité (CNAMO), une unité quasi unique en Europe, construite pour réprimer notamment les occupations de militant·es écologistes, est mobilisée. Ainsi, dans la nuit du 6 septembre, elle intervient et fait chuter de 7 mètres deux « écureuils » qui dormaient sans baudrier. Malgré des séquelles importantes, ils sont immédiatement placés en garde à vue. Il n’y a plus aucun respect de la loi, tout est permis, et plusieurs médias locaux comme La Dépêche, se permettent mensonges et diffamation à tout va.

Le 8 septembre, tandis que des militants venaient ravitailler l’ultime « écureuil » perché dans un chêne centenaire et menacé d’être abattu, des agents de sécurité, barricadés dans leur Algeco, finissent par leur tirer dessus à coups de mortiers d’artifice. Ainsi, la milice privée agit conjointement aux force de l’ordre : ils attrapent les militant·es, les violentent puis les livrent aux gendarmes. N’oublions pas les agressions du 13 août dernier où un groupe de personnes est venu incendier des couchages et un véhicules. Dans la matinée, des militant·es ont été attaqué·es au couteau et aspergé·es d’essence. Depuis le 1er septembre, les abattages ont repris. La lutte est rythmée par les périodes de coupe légale. La coupe des arbres forcées, un danger pour les « écureuils » vivant dedans, a conduit à l’évacuation de deux ZAD sur trois.

En même temps, la destruction progressive du verger est en cours. Sur ce terrain, il ne reste que des vestiges d’une maison ayant fait l’objet d’expropriation par ATOSCA : cette grande bâtisse et son jardin sont situés sur le chemin de l’autoroute. Pendant longtemps ont véci ici les derniers habitant·es sur le chemin des destructions, une locataire et sa famille, qui attendaient la proposition d’un logement décent. Après avoir usé de stratagèmes et de menaces pour les faire partir (diffamations dans les journaux, coupures d’eau et d’électricité, huissiers, incendie criminel, etc.), c’est finalement les forces de l’ordre qui ont vidé de force le logement, en accompagnant les engins à pelle de NGE qui venaient déraciner les arbres du jardin.

L’entreprise ATOSCA a fait une dérogation aux arrêtés de protection de 162 espèces animales et végétales. Conséquences de cela, le chantier impactera pour toujours le tissu racinaire en déracinant des platanes centenaires. En plus de traverser une zone Natura 2000 et des Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), le projet de l’A69 pourrait artificialiser 316 hectares de terres agricoles, de forêts et de zones humides. L’écosystème de 32 cours d’eau seront également chamboulés.

Détruire les terres pour les profits capitalistes

La compensation écologique est bâclée : si chaque hectare bétonné doit être compensé selon un coefficient qui peut aller jusqu’à 3, en fonction de la nature de l’espace détruit, le maître d’œuvre a tout mis en place pour en faire le moins possible et les scientifiques démontrent que la compensation ne peut égaler les pertes d’écosystèmes.

Pour alimenter le chantier, il a été construit deux usines à béton. A priori installées pour un an et demi au plus, ces centrales inquiètent fortement les habitant·es des environs en raison des risques sanitaires et environnementaux. Les fumées rejetées contiennent des substances appelées Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), dont le benzo(a)pyrène (BaP) et le benzène qui sont des cancérogènes avérés. Le collectif « Sans bitume » dénonce des pollutions qui toucheront les 40 écoles à proximité.

Avec les expropriations, ce sont entre 80 et 100 exploitations paysannes qui sont amputées. Le nombre de fermes qui auront des champs des deux côtés de l’autoroute se chiffre à un millier, affirme la Confédération paysanne, qui est entrée dans la bataille. En janvier dernier, une centaine d’agriculteurs tarnais signaient une lettre ouverte alertant sur la « destruction irréversible de nappes phréatiques, de cours d’eau et de bassins indispensables à l’irrigation des exploitations agricoles comme au maintien des refuges de biodiversité ».

Préserver l’environnement : une lutte de classes

Le refus du projet d’autoroute de l’A69 est nécessaire dans une perspective écologiste et anticapitaliste. Alors que le désenclavement est un enjeu vital pour de nombreux territoires isolés des services publics, ce projet de l’A69 répond en réalité uniquement aux intérêts des entreprises capitalistes. Une route nationale existe déjà, qu’il suffirait d’aménager.

Pourtant, pour l’élue régionale Carole Delga et l’entreprise FABRE et ATOSCA, seules l’expropriation et la destruction des terres semblent envisageables. L’enjeu est économique et social. Nos impôts sont dépensés contre notre intérêt (la destruction de nos terres agricoles, de notre environnement) et pour violenter des militant·es qui défendent notre santé et nos lieux de vie. Le chantier va coûter plus de 450 millions d’euros, financé en partie par les pouvoirs publics, qui offrent 23 millions d’euros au concessionnaire ATOSCA.

Du soutien jusque dans la capitale

Si le projet aboutit, l’aller-retour par autoroute coûtera 17 euros, grimpant sur le podium des autoroutes les plus chères de France ! Ainsi, selon une étude IFOP réalisée en octobre, 61% des sondé·es dans le Tarn et la Haute-Garonne sont favorables à l’abandon du projet, 82% à un référendum local.

Ce projet est un symbole fort du monde voulu par les puissances industrielles, productivistes et anti-sociales. Les élus bloquant tout débat, aucune négociation n’est possible. Face à ce capitalisme radical, c’est la radicalité sociale qui doit répondre. Les ZAD sont un anti-système puissant, dans leur organisation des pratiques d’occupation, comme dans leurs objectifs politiques. Nous pouvons apporter à la résistance notre vision de l’écologie qui est sociale et anticapitaliste, notamment par les liens et la coordination avec la CGT Fabre, qui est contre le projet, mais reste centrée sur les conséquences du positionnement du groupe Fabre sur son image, et donc sur l’emploi. Pourtant, les ouvrières et ouvriers du géant pharmaceutique, habitant les communes aux alentours, sont des plus impacté·es.

À Paris, la lutte s’organise en autonomie, par des camarades passés sur la ZAD. Il s’agit d’afficher son soutien et de récolter des fonds. Nous avons organisé divers événements : un premier rassemblement en soutien aux « écureuils » après l’expulsion de la Cal’Arbre à Montreuil. Celui-ci a rassemblé une cinquantaine de personnes et a été l’occasion de faire des banderoles tout en échangeant autour de l’actualité du projet. Ce rassemblement a été fait suite à une discussion à la friche pendant Les Digitales le 1er septembre où nous avons discuté de la situation globale de la lutte contre l’A69 mais aussi de la ZAD et des espoirs qu’elle donne au mouvement social.

Depuis fin octobre, il n’y a plus d’occupation sur le tracé de l’A69. Les engins d’ATOSCA ont fait tomber le Verger : plus aucun arbre n’est à protéger. Mais, rien n’est perdu ! Les centrales à bitume nécessaires au projet ne sont pas construites et les collectifs locaux sont toujours en lutte. La lutte se restructure. La mobilisation contre l’A69 a contribué à l’annulation de projets routiers dans le cadre de la Déroute des routes. Dans les Pyrénées-Orientales ou dans la Manche, l’inutilité et l’impact environnemental de nouvelles cons- tructions routières ont été reconnus. Les forces écologistes du midi se tournent maintenant vers la lutte contre la LGV Toulouse-Bordeaux où une nouvelle ZAD se crée à Saint-Jory !

Loup (UCL Paris Nord-Est)