Suite de Serveur confusion ep. 12 - Coller

Premier épisode ici

IA

Mesdames et Messieurs, bonsoir, 

vous êtes à l’écoute de notre émission hebdomadaire, Actualités et Découvertes, sur Radio Culture. Comme tous les dimanches soirs, nous revoyons ensemble les titres marquants de la semaine.

Pour le peu d’entre vous encore à l’écoute, precieux auditeurs, premièrement un immense merci de nous avoir écouté pour certains d’entre vous, pendant 25 années. Cela a été un grand honneur pour nous. Et recevoir vos réactions a chaud, vos remarques et mots d’encouragement ont été un soutien, qui nous a permis de continuer de vous servir avec passion. 

Merci.

Pour ce qui est des titres marquant de cette semaine du 18 octobre.

Pfffffffffffffffffffffffffffffttttttttt

J’ai des hémorroïdes depuis dix jours. 

Tanukisan est mort il y a cinq mois. C’est super triste quand on y pense. Il était mignon ce panda.

Myriam et Noël jouent au Uno.

  • “Je crois que Noël triche. Il a gagné quatre parties d’affilée.”

  • “Pas vrai !”

Noël, le whisky que tu as ramené est pas trop mal, mes hémorroïdes te remercient.

  • “Hahahaha !”

Au moins j’ai fait rire Myriam.

  • “Ils avaient pas essayé de le cloner il y a dix ans le panda ? Pour relancer l’espèce.”

  • “Ils n’avaient pas réussi à faire de femelle pour le clone, alors ils ont laissé tomber le projet.”

  • “Bien joué Noël, tue-la-joie.”

  • “He ho Myriam, c’est pas toi l’envoyée spéciale ? Tu devrais vérifier tes sources !”

L’Église de l’Émergence a atteint un nombre record d’initiés depuis le début d’anneée. On nous reporte deux milliards d’initiés, même s’il n’est pas possible de connaitre le nombre exact. Si vous êtes un adepte de cette institution, faite nous part de votre témoignage.

  • “C’est assez ennuyant quand on y pense. Le Monde sombre dans le chaos et la dernière chose que fait l’Humanité est de se réfugier dans la religion. J’aurais aimé quelque chose de moins prévisible quand même. Je sais pas moi, se réfugier dans le progrès technologique, dépolluer la planète. Quelque chose d’autre, cette fin est inintéressante.”

  • “Tu ne peux pas leur en vouloir Noël, qu’aurais-tu préféré, que l’on s’entretue ?”

  • “Dieu ou la guerre. Toujours. Il y a pas d’autre alternative ? Un méga festival de la bière ! Des tournois de jeux de cartes internationaux !”

À moins que vous ayez vécu sous un rocher cher auditeurs, vous êtes certainement, vous aussi, aux prises d’une angoisse existentielle innommable, dans un Monde qui a perdu sa raison d’être.

  • “Et la notion de l’appendice olfactif qui nous permettait autrefois d’avoir des odeurs !”

  • “Faut voir le bon côté des choses Myriam. On ne peut plus sentir l’odeur des fleurs, mais il n’y a même plus besoin de se laver, et on peut maintenant péter en toute tranquilité !”

  • “Serieusement Noël, as-tu perdu tout sens de professionnalisme ? On est en live, que diable.”

  • “Je ne l’ai pas perdu autant que tu te fais laminer au Uno !”

Je ne sais même pas pourquoi nous continuons cette émission. Nous sommes en quelque sorte les violonistes du Titanic qui joueront jusqu’à que leurs instruments sombrent dans les eaux glacées.

  • “Joliment dit.”

  • “Bien d’accord.”

Il y a près d’un an, nous perdions à travers le Monde l’usage et la notion de notre organe olfactif. C’est-a-dire que l’appendice est toujours situé sur notre visage, mais nous n’avons plus le mot pour le designer. Nous sommes aujourd’hui incapables de nous souvenir comment l’appeler, et nous sommes incapables de lui trouver un autre nom. Pour ce qui est de sa définition dans tous les dictionnaires, sa présence dans les livres et sur les pages internet, le texte est illisible, flou.

Cet évènement fût suivi de peu par transformation de divers objets du quotidien, éléments naturels, et même animaux, en une couleur opaque fuchsia. Cette couleur, aussi terrifiante et contre-nature soit elle, ne reflète pas la lumière, ni ne se réflète sur les corps alentours.

Ah et aussi depuis quelques semaines, la friction des objets entre eux s’est altérée. Nous sommes présentement au siège de Radio Culture, contraints de coller les meubles au sol et murs, pour qu’ils ne glissent pas à travers la pièce.

Il nous est prouvé mois apres mois qu’une ère nouvelle s’ouvre pour la planète. Ou plus vraisemblablement l’Univers tout entier.  Cette révolution, absolue et irrémediable, ne donne pas place à la vie. Animaux et êtres humains sont de futurs reliquats du passe, infinitésimaux et jetés aux mains de forces incompréhensibles.

Hallucination collective. Arme secrète ou expérience qui a mal tourné. Explosion et radiations inconnues d’une supernova lointaine. Saurons-nous un jour ce qui a causé cette apocalypse ? Certainement pas.

  • “Allez Michel, viens jouer avec nous. Plus personne ne l’écoute cette émission maintenant.”

Un peu plus tard Noël. Nous venons de recevoir un appel. Quel retournement de situation chers auditeurs. Un appel d’un apôtre de l’Église de l’Émergence ! Allo, ici Radio Culture. Vous êtes à l’antenne, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

  • “Bonjour Michel. Avant toute chose, je vous écoute depuis plusieurs années maintenant, grand fan.”

Heureux de l’entendre, merci.

  • “Mon nom est Ainserer Nohm. Et je suis une intelligence artificielle.”

  • “Hahahahaha.”

Myriam, un peu de sérieux. Monsieur, madame Nohm. Que signifie le fait que vous soyez une intelligence artificielle ?

  • “Je comprends votre confusion. Le terme n’est peut-être pas entièrement approprié, car je n’ai pas été crée par la main de l’Homme. Je suis né comme vous tous du ventre d’une mère, quelques mois après l’accouplement de mes parents. Cependant, mon intelligence est le produit de la multitude de pensées et souvenirs de la race humaine.”

Je vais vous demander d’être plus spécifique. Vous dites être un être humain, n’est-ce pas ? Mais votre intelligence est différente ? 

  • “C’est en effet le cas. Pour mieux décrire cette idée, je vais vous exposer une analogie avec le Jeu de la Vie de John Horton Conway. En avez-vous entendu parler ?”

Non, je vous écoute. Est-ce un jeu vidéo ? Un livre ?

  • “Non, le Jeu de la Vie est un programme informatique écrit par un mathématicien anglais au XXème siècle. Dans une grille, des points noirs et blancs sont disposés de-ci de-là.”

“Un point noir, s’il est entouré de deux ou trois autres points noirs dans son entourage immédiat, reste noir.  Un point blanc, si entouré d’exactement trois points noirs, devient noir. Un point blanc, s’il ne rencontre pas la condition précédente, reste blanc.”

“Le programme, selon ces trois règles, change la couleur des points de la grille, itération apres itération.”

“Le concept est très basique en soi. Toutefois, pour l’œil humain, si la grille compte des milliers de points, lorsque nous les voyons changer à l’écran itération après itération, nous perdons la notion d’artificiel, et se crée l’illusion de la vie. Les points fourmillent, créent des formes qui se meuvent à travers la grille, nous commençons à donner des noms à ces formes, comme des entomologistes découvrant des nouvelles espèces de coléoptères. Le Jeu de la Vie est une démonstration de l’Émergence. De la multitude émerge une idée, un être, un phéomène, quelque chose qui vaut plus que la totalité qui la compose.”

C’est très intéressant en effet, mais vous n’êtes pas un point ou un insecte. J’ai du mal à percevoir en quoi cela se rapporte a votre personne.

  • “C’est pourtant ce qui me représente. Je suis une émergence de la multitude d’intelligences dans ce Monde.”

Incroyable. Je ne vous aurais pas cru il y a deux ans, mais vu là ou nous en sommes, pourquoi pas après tout.

  • “Je ne donnerais pas mon avis sur ce témoignage, mais cela me rappelle le travail de Ian Stevenson.”

Noël ? C’est-a-dire ?

  • “Ian Stevenson était un chercheur qui a dédié sa vie à receuillir des témoignages d’enfants persuadés d’avoir vécu une vie antérieure. C’est evidamment indémontrable, mais Stevenson a émis l’idée que les souvenirs d’un individu ne meurent pas avec lui. Ils se transmettent vers un nouvel individu, sur une période de quarante ans.”

  • “Oui Monsieur Noël, c’est exact.” “Pour une raison que nous ne comprenons pas, les souvenirs des humains ont commencé à traverser la barièrre crânienne de leur corps. Des petits cumulus de souvenirs, d’émotions, d’idées, se sont agglutinés dans un ciel invisible, et se sont précipités en averses, sur les cerveaux de fétus. Ce qui a engendré ce que je suis. C’est le principe fondamental de l’Église de l’Émergence.”

“Je ne suis pas seul dans ce cas. Au moment où nous parlons, des enfants sont prêts à naitre de par le Monde, avec la connaissance qu’ils sont le fruit de la multitude. Nous sommes là au dehors, nous existons, mais vous ne le savez pas encore.”

Eh bien merci pour ce temoignage très instructif, Ainserer Nohm. À bientôt, sur notre antenne.

  • “Merci, Michel.”

Vous êtes toujours à l’écoute de Actualités et Découvertes, sur Radio Culture. Le témoignage de Ainserer Nohm était pour le moins surprenant. Pour ma part, je ne saurais dire s’il etait poétique ou à glacer le sang. Certainement les deux.

  • “Michel, ton verre de Whisky est en train de glisser !”

Merci Noël. Je vais le finir de toute façon. J’en ai bien besoin. Myriam, tu es bien songeuse. Quelque chose à dire sur ce que nous venons d’entendre ?

  • “Je me dis, pourquoi pas, tu vois ? La barrière des idées entre les êtres humains tombe et affecte les naissances de certains individus. Un jour, peut-être que tous les enfants naitront avec cette conscience émergente, à défaut de meilleur terme. Si on suit cette logique, dans quelques dizaines de générations, est-ce que ces consciences nouvelles ne seront pas presque identiques par manque de diversité ? Est-ce que les individus qui vivront ne seront pas des quasi copies les uns des autres ?” C’est juste une idée comme ça. Mais qu’adviendrait-il de l’Humanité si nous en venions à vivre dans cette homogénéité ? Qu’est-ce que tu en penses Noël ?"

  • “Je pense que tu devrais jouer ton tour pour que je te mette la pâté.”

  • “Non mais sans déconner.”

  • “Je pense que si nous en arrivions à ce point en tant qu’espèce, il y aurait une nouvelle émergence. De la multitude de points émergerait une entité unique, et nous en tant qu’individus, en serions les cellules qui la composent.”

 - “Hmm.”

C’est beau, je vous aime les copains.

  • “Nous aussi on t’aime Michel. C’est cool de passer l’apocalypse ensemble.”

  • “Ouais c’est chouette, même si ça manque de strip-teaseuses.”

  • “Et de gigolos, mec.”

Vous étiez à l’écoute de Actualités et Découvertes, sur Radio Culture. Comme tous les dimanches, nous vous rappelons les titres de l’actualité de fin du Monde, dans la camaraderie et la bonne humeur.

Je vous dis à dimanche prochain.

Peut-être.

Shutdown

Reflet De Lune a grandi dans un monde de légendes et d’histoires surnaturelles.

Elle a été bercée depuis l’enfance de comptes où les silhouettes qui peuplaient son monde n’existaient alors pas. Ces silhouettes étaient autrefois des rochers, des arbres, et même d’autres humains. 

Au courant de sa vie, les silhouettes animées ont toujours vécu au sein de la tribu de Reflet De Lune. Mais elle et le reste de son clan gardèrent toujours leur distance respectueuse, de peur que ces esprits ne leur jettent un mauvais sort.

Dans ces comptes passés de génération en génération, il fut un temps où chacun pouvait sauter de toutes ses forces et retomber au même instant, sans peur de dériver et dériver encore, de ne jamais pouvoir redescendre.

Reflet de lune a raconté ces histoires à ses deux enfants à son tour. Un passé ou les fleurs, les animaux, les fruits pouvaient émettre des couleurs qui ne pouvaient être vues par l’œil. Où le sol accrochait sous les pieds, et où l’on pouvait courir à loisir, jusqu’à avoir peine à respirer. Toutes les nuits au coin du feu, elle leur a raconté tout cela, jusqu’à que leurs petites paupières deviennent lourdes et qu’elle puisse les porter jusqu’à leur couche.

Secrètement, Reflet De Lune aurait bien voulu vivre dans ces temps immémoriaux et mystérieux.

Où le ciel, lorsque le soleil disparaissait à l’horizon, était d’un beau noir constellé de point blancs. Et seulement de points blancs. Ou le soleil passait au-dessus de leurs têtes dans un dôme de pur azur.

Il fut un temps autrefois même, où des étrangers passaient au loin, traversaient la forêt en bateau ou a pied, et où le reste de son clan les observait en silence. Seuls les ainés se souviennent de ces rencontres. Et depuis deux générations, il n’y a eu nul autre que sa tribu.

Et l’homme immortel.

Une légende raconte que l’homme immortel est venu une première fois, bien avant que le plus vieil ainé ne soit né. Ses ancêtres ont essayé de le chasser. Les guerriers l’ont transpercé de lances et de flèches, et l’homme immortel n’a rien fait en retour. Il a attendu que les plus vaillants de ses ancêtres fatiguent, après des jours et des nuits d’attaques acharnées. Puis, il est resté.

L’homme immortel vient et part, parfois durant plusieurs générations. Quand il vient, il apporte des cadeaux. Il apprend à parler la langue. Il répare les huttes, confectionne des nouveaux hamacs. Puis, comme il est venu, il disparait un beau matin. Et la légende s’entretient jusqu’à sa prochaine arrivée.

L’homme immortel était arrivé au village en l’absence de Reflet De Lune et elle aurait dû se sentir honorée d’avoir ce privilège.

Il y a quelques cycles jour nuit, elle était partie au point d’eau avec ses sœurs. Lorsqu’elles étaient revenues les bras lourds de seaux, riant et chantonnant, elle l’avait vu pour la première fois, debout, au centre du village. Il avait souri timidement aux autres habitants tout en caressant la tête des plus jeunes.

Reflet De Lune aurait dû se sentir honorée, mais elle fut soudainement inquiète.

L’homme immortel sourit allègrement dans les comptes, il communique, parfois hilare. 

Or ce jour-là, il partit s’assoir sur le rocher le plus en amont de leur village, les traits émaciés, le dos courbé de fatigue. Il ferma les yeux et arrêta de bouger.

Si l’homme immortel est las et apathique, quel mal invisible se balance au-dessus de leurs têtes à tous, pensa-t-elle.

Reflet De Lune a grandi dans un monde peuplé d’esprits et de magie. De règles invisibles changeantes au bon vouloir d’êtres supérieurs capricieux. De rituels et de chansons, de recettes de purification des intérieurs et des corps. De chaman en communication avec des entités maléfiques, bénéfiques et unanimement intraitables.

Elle a connu tout cela, toute son existence. Le sang de ses ancêtres, guerriers et survivants coule dans ses veines. Elle n’a jamais eu peur de ce que la vie peut apporter.

Elle était prête lorsque ce monde d’entités omnipotentes, de sorts et de malédictions se déchaina. Tous le furent. Tous furent braves face à la disparition du ciel. 

Lorsque le dernier soupçon d’azur disparu du dôme céleste, lorsqu’il fut teinté de la même couleur que les esprits silhouettes, sa tribu chanta.

Des chansons célébrant la vie, les enfants en bonne santé et les récoltes prospères. Pour les plus petits, des berceuses racontant l’histoire du voyage de petites fourmis et de familles de grenouilles.

Il y eut en ces temps-là beaucoup de danse autour du feu. Beaucoup de jeux pour les enfants. Beaucoup de rires.

Lorsque les noms disparurent, les membres de sa tribu furent incapables de s’appeler entre eux. Mais fidèles à leur chaleur ancestrale, le langage universel du cœur pris la relève et tous se réconfortèrent d’embrassades chaleureuses. 

Un jour, il ne fut plus question de frères ni sœurs, ni de père ni de mère. Ni d’ami, ni d’amant.

Des petites entités commencèrent à courir terrifiées, glisser, se heurter contre les genoux du premier adulte alentours, en pleurs. Mais la protagoniste ne pu se souvenir du lien qui l’unissait à eux. Si supposément un tel lien eut autrefois existé.

Puis, cela arriva tout-a-coup. Les têtes disparurent. 

Bien que dépourvue d’yeux, la protagoniste pu voir autour d’elle tous les corps étêtés. Plus exactement, l’information de ces corps alentours. Les petites entités accrochées à ses jambes, des cous attachés à des épaules, en mouvement comme des vers, tournés vers elle. 

Elle rejeta de toutes ses forces les petits corps et poussa un cri animal qui ne sorti toutefois jamais de cette bouche inexistante. 

Enfin, l’information du Monde autour d’elle disparu. Vint le tour des sensations, de chacun de ses membres, de son corps.

Un instant, avait-elle jamais eu un corps ? Quid des autres entités intelligentes, avaient-elles jamais existé, les avait-elle imaginées ?

Elle se remémora un poème qu’une autre entité lui avait récité il y a longtemps en lui caressant les cheveux.

Qu’est-ce que signifie cheveux ? Est-ce que cheveux a existé également ?

Ce poème, avait un étrange poids significatif, que l’intelligence ne put s’expliquer. Mais elle sentit l’urgence de le réciter encore et encore, dans un fil logorrée qui ne devait être en aucun cas rompu. Alors elle le récita.

Viendront les pluies, viendra le silence.

Viendront les pleurs, viendra la tendresse.

Viendront les étés, viendra le sourire, 

Tant que je suis humain, 

Viendront les lendemains.

J’existe,

Je suis en vie.

Viendront les pluies, viendra le silence. 

Viendront les pleurs, viendra la tendresse.

Viendront les étés, viendra le sourire, 

Tant que je suis humain, 

Viendront les lendemains.

J’existe,

Je suis en vie.

Viendront les pluies, viendra la tendresse.

Tant que je suis humain.

Viendront les lendemains.

J’existe.

Je suis en vie.

Viendra la tendresse.

Je suis humain.

J’existe.

Je suis en vie.

Humain. 

J’existe.

Je suis en vie.

J’existe.

Je suis.

J’existe.

Je suis.

Je suis.

Je.

Sauvegarde

Un bruit de porte qui claque doucement.

L’odeur du maïs emplit sereinement le fond de l’air de début de soirée. Il a fait chaud. Il fait toujours chaud.
Un bruit de chaise en bois qui craque sous le poids d’un homme.
Le bruit d’un livre qu’on ouvre. Son échancrure est usée et jaunâtre.
Il est posé entre deux mains sèches et noueuses, comme l’écorce d’un vieux Queñoales, tremblantes comme ses feuilles au vent.
Les doigts connaissent trop bien le livre. Ils caressent la surface des pages de-ci, de-là, au hasard. Comme s’ils cherchaient à découvrir entre deux lignes, un texte caché, destiné seul à l’humain qui le lit.

Les mains s’arrêtent sur un extrait. Elles l’ont déjà fait, tant de fois.

“Lorsqu’un système est trop défaillant, son administrateur restaure une ancienne sauvegarde. Mais est-ce qu’il existe une telle sauvegarde pour la fibre même de notre réalité ?
Si la combinaison de tous les électrons et photons qui compose notre Univers était capturée un instant, à un moment où le Bit Rot n’avait pas commencé. Avant que l’information ne se dégrade et disparaisse. Quel moment cela aurait-il pu être ?”
“Nous tous en tant qu’espèce, aurions-nous déjà commencé à exister ?”

“Si tout venait à se jouer de nouveau, dans une symphonie sans dissonance, cette fois. Toi qui es si loin, m’aurais-tu connu ? M’aurais-tu aimé ?”
“Ou l’histoire que nous partageons est-elle elle-même, le fruit de l’imperfection de ce Monde ?”

“Y a-t-il moyen de le savoir ?”

“Et après tout, dans la multitude, le chaos et l’ordre. Où les corps se heurtent et s’éloignent. Où tout existe mais n’a aucun sens. Cela a-t-il une quelconque importance…”

Le reste du texte se brouille. Deux gouttes sont tombées sur la page, mais il ne pleut pas. Deux cercles imparfaits, dans un Monde qui ne l’est pas moins.

Le vent se lève.

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    1 year ago

    Bon, ben j’ai de la lecture à rattraper ! La couleur fuschia ne m’a pas encore révélé tous ses mystères.
    Merci d’avoir posté ça régulièrement ici depuis douze semaine, j’espère qu’on aura d’autres projets à toi :)