Face aux défis du réchauffement climatique, de l’effondrement de la biodiversité et de la raréfaction de l’eau, la forêt devient un enjeu politique majeur. Nous considérons la forêt comme un bien commun qui doit être protégé des errements capitalistes rêvant de profits à court terme. Le 5 octobre, la Creuse accueillera une grande manifestation nationale contre deux projets industriels emblématiques qui menacent les forêts du Limousin.

Chaque massif forestier a son histoire, ses espèces, ses filières artisanales et industrielles spécifiques. Chaque forêt joue un rôle écologique, économique et social. C’est pourquoi la forêt est, depuis longtemps, l’objet de combats politiques autour des droits de propriétés, d’usages et d’accessibilité.

La forêt possède de nombreuses vertus écologiques et le bois aussi, à condition de limiter les prélèvements au seuil du renouvellement naturel, de respecter l’écosystème en pratiquant une sylviculture douce à couvert continu : un « jardinage » qui permet à la forêt de se régénérer elle même en prélevant petit à petit les arbres arrivés à maturité.

Le bois est indispensable aux papiers et cartons appelés à remplacer le plastique. Il est nécessaire dans la construction et incontournable dans les bâtiments « zéro énergie » [1]. Il est précieux pour un ameublement durable et encore utile au chauffage individuel en zone rurale montagneuse. Pour ces seules fonctions la ressource forestière serait bien suffisante.

Mais le bois est victime de surconsommation dans le cadre de la mondialisation du commerce et des besoins du transport international en container  : caissettes, palettes, boites cartonnées à usage bien souvent unique. La plus grande menace, cachée sous de pseudos motifs « écolos » provient des demandes en bois énergie joliment qualifiée de biomasse  : un peu dans l’industrie mais surtout dans les chaufferies des grandes villes.

Sans compter les dernières folies qui projettent de faire voler des avions « verts » avec un « bio-carburant » tiré de la forêt landaise en même temps qu’un projet prévoit d’y couper des milliers d’hectares de pins pour installer des panneaux solaires… Bref l’industrie forestière rejoint les maux de l’agro-industrie.

L’humanité a toujours tiré profit de sa forêt proche pour ses besoins élémentaires  : se chauffer, se loger, fabriquer des objets de toute sorte. Mais depuis quelques années le processus s’est inversé : les bois traversent la planète globalisée pour y être valorisés selon les critères du marché. Ainsi nos chênes partent se faire découper en Chine pour nous revenir en parquets produits en Pologne. Pire encore ce sont les industriels qui dictent aux forestiers les essences, les caractéristiques et les volumes qu’il faut planter et couper. Avec un double défi  : la destruction des forêts de feuillus (chênes, hêtres, charmes…) et des haies d’une part  ; l’extension de champs ­d’arbres plantés (en majorité des pins Douglas) d’autre part.

L’État et l’industrie destructeurs des forêts

C’est sous Sarkozy que la première offensive majeure a été lancée combinant une destruction des missions centenaires de l’Office nationale des forêts (ONF), dont la préservation des forêts, et la coupe massive d’arbres de haute valeur, les très vieux chênes en particulier. Les personnels s’étaient alors courageusement mobilisés pour refuser cette politique et l’abattage des forêts domaniales (25% des forêts françaises) pour renflouer les caisses de l’État.

Une même logique s’installe en forêt privée : les grosses scieries automatisées ne savent plus traiter les fûts les plus gros ou bien juste « différents » et Ikea a tué les menuisiers. Alors les feuillus partent à l’export ou sont réduits en déchets pour les chaufferies. Avec le plan France – Relance, Macron a offert 200 millions aux propriétaires forestiers pour couper leurs forêts et replanter des champs de pins Douglas. Et les coupes rases, désastreuses pour l’environnement se multiplient suivies de plantations qui nécessitent engrais et pesticides avec, néanmoins, un taux d’échec de 50% !

Des pins Douglas qui pourraient produire de magnifiques fûts en cent voir deux cents ans mais qui sont coupés de plus en plus jeunes, entre trente et quarante ans pour alimenter les scieries de bois parfaitement standards.

Les autorités et les gros industriels se défendent avec deux arguments  : il faudrait abattre vite les arbres qui vont mourir du changement climatique et la surface globale de forêts resterait ­stable. Deux mensonges  ! La surface reste ­stable du fait de la déprise agricole en zone montagne mais la qualité des forêts se détériore et le volume de bois sur pieds recule. Quant au changement climatique (dont ils sont responsables) si les tests d’adaptabilité de nouvelles essences menés par l’ONF et les forestiers sont utiles, la forêt se débrouillerait aussi bien sans intervention humaine… Une lutte unitaire pour les forêts du Limousin

Face au désastre associations, collectifs et syndicats, CGT et FSU, se mobilisent depuis plusieurs années, gagnant une écoute de plus en plus large ­parmi les propriétaires privés qui font plus de 90% des proprios en Creuse. Un « réseau forêt limousine » rassemble plus de trente structures militantes. Deux projets industriels au nord et au sud du département inquiètent particulièrement pour les volumes de prédation annoncée  : À Guéret, 500 personnes se sont réunies pour une réunion publique contre l’implantation d’une usine à pellets de bois pour chaudière, Biosyl cet hiver. Au sud du département, à la frontière avec la Corrèze, 200 personnes se sont rassemblées ­contre l’extension d’une scierie, Farges-Piveteau, destinée à être la plus grosse de France.

Deux projets gavés de subventions publiques dont les besoins en bois impliquent des coupes sans précédent, la raréfaction de la ressource au détriment des particuliers et des petites scieries qui se maintiennent difficilement malgré le service rendu localement.

Le 5 octobre, la Creuse accueillera collectifs et associations pour un « Appel pour des forêts vivantes » ; une manifestation nationale aura lieu à Guéret contre ces deux projets et pour la défense des forêts, du Limousin comme d’ailleurs !

Jean-Yves (UCL Limousin)

Pour avoir plus d’informations, rendez-vous sur le site du Syndicat de la montagne limousine ou la page Facebook du collectif Plus jamais ça 23

[1] Bâtiment dont la production annuelle d’énergie renouvelable est approximativement équivalente à sa consommation et dont la consommation nette est, donc, nulle.___